Quelque part sous la mer.
Câlé sur son siège, face à l'écran sonar qui ne renvoyait que des images calmes, Xavier attendait la relève. Ils n’étaient plus qu'à soixante-dix lieues des côtes et de leur base d'attache. Le commandant donna l’ordre d'une première remontée: moins trois cents mètres. Ils avaient sillonné pendant des semaines l’océan atlantique. Ils avaient frôlé les côtes africaines, mais ils n’avaient rien vu des vastes plages où des oiseaux malicieux boivent du lait de noix de coco. La température de l’eau était presque toujours pareille, même dans les eaux de l’arctique. Il y avait au-dessus de leurs têtes, des icebergs qui étaient à la dérive. Pendant cinq semaines, ils n’avaient connu que la lumière artificielle. Quelques pin-ups qui s'étaient égarées là, en avaient perdu leur bronzage. Xavier se demandait parfois ce qu’il faisait là. Demain ils seraient à terre avec quatre semaines de repos. Il irait à Concarneau ou le vieil Edouard l’attendrait sur son bateau. Il faudrait réapprendre à vivre au-dessus de l’eau après son temps en compagnie de l’énorme machine redoutable. Avant de partit, il avait écrit a son père, Hector. Xavier s'endormit, accompagne par les bruits et le souffle du sous-marin, qu’il avait pris en amitié.
Paris XVIIIème arrondissement. Place des Abbesses. Café « Au métro ».
Le commissaire Luc referma son livre et but le reste de son café qu'il avait oublié. Le goût amer de la boisson noire et froide lui fit faire la grimace et chassa les belles images maritimes qu’il avait dans la tête. Son livre était plein de récits de pêcheurs, de corsaires et d’images de bateaux majestueux. Il se mit à lire un procès-verbal de deux gardiens de la paix du poste de police Place Clichy. C’était une histoire avec une fin bizarre.
De jeunes voyous bon chic bon genre avait décidé de faire la chasse aux clochards, aux travelos... Tout avait commencé à Pigalle et fini Place Clichy. Quatre jeunes s’étaient rendus aux gardiens de la paix, leurs six autres compagnons de médiocrité avaient été boxé direction l’hôpital et cela dans un temps record. Des témoins avaient parlé d’un drôle de clochard: très grand, très fort et qui ressemblait à un clown. Il avait pris la défense de ses compagnons de chemin. Le boxeur avait disparu avant l’arrivée de la police sous les applaudissements du peuple pittoresque et multicolore de ce coin de Paris.
Luc releva la tête du dossier et jeta un coup d’œil sur la place. Assis sur un bac, Hector lisait une lettre à Mollo, le clochard du quartier. A côté d’eux, des petites filles jouaient à la corde et un grand bonhomme tenait un bout de la ficelle. Il ressemblait à un grand clown très fort. Luc sourit. Il écrivit une petite note, signa et ferma le dossier.
L’inspecteur Tanguy rentra dans le café et, n’osant déranger son chef, le commissaire, plonge dans des récits océaniques, il s’assit en face de lui en silence. Il commanda deux cafés et feuilleta dans son magazine culinaire. Sur la place, les gens souriaient. Pierrot faisait de gentilles grimaces aux deux flics et construisait des cigarettes bizarres.
Bretagne. Concarneau. Le port.
Xavier et Edouard s’affairaient sur le chalutier. La ville était pleine de touristes et de jolies filles. Le jeune homme souriait au soleil. Les deux futurs matelots étaient là sur le quai. Un petit homme rondelet et joyeux avec un grand compagnon qui avait un chapeau de clown sur la tête. Une mouette s'était endormie dessus. L'équipage du « Jacques Prévert » était au complet et se lancerait demain dans un jour de pêche. Otto, Camembert et moi-même, allongés sur les flets de pêche, nous saluions ce jour nouveau. Les embruns rafraichissaient nos têtes, quelque peu lourdes du pastis de la veille.