Mots pliés et dépliés

Et que reste-t-il encore ? (Une maison frêle)

Apr 2017

Une maison frêle. Mince de quelques murs serrant des pièces étroites et vides.
Que reste-t-il encore ?
Quatre pièces et demi sur trois étages sans fin, bordées d'un vieil escalier de bois.
Que reste-t-il encore ?
Une trentaine de marches qui grincent sous le poids maigre de jambes lourdes.
Une trentaine de marches à peu près.
Que reste-t-il encore ?
Des jambes lourdes comprimées dans des bas de laine.
Une vieille robe sous une vieille blouse.
Et des cheveux minces qui se noient dans le gris du ciel.
Que reste-t-il encore ?
La machine avance. La machine arrache.
De ses mains d'acier, ses ongles de titan.
Ecrasant des pans de murs sous un vent fou et aveugle.
Et la maison frêle agonise d'une voix fluette.
Que reste-t-il encore ?
Des murs avec des vieux papiers peints, tout jaunis.
Sous les regards indécents des passants, ces flots de voyeurs.
Des murs au plâtre suintant, qui ont tant à raconter, à dire.
Mais qui ne disent rien, ne racontent rien.
Des mots doux, des fous-rires, des pensées indécentes, des pleurs de tristesse, des éclats de joie.
Que reste-t-il encore ?
Que reste-t-il sous le ciel gris bas de laine ?
Des papiers peints, des photos jaunies.
Des vieilles fleurs, courbées, aux jambes lourdes.
Que reste-t-il encore sous le fond du ciel ?
Des jambes fluettes dans de trop grands bas de laine.
Quatre et demi pièces. Un escalier qui grince de trente marches, à peu près ; vers un ciel imprimé gris jauni papier peint.
Que reste-t-il- encore ? Que reste-t-il encore à présent ?